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S’adapter à la transformation économique : pour une rénovation culturelle dans les organisations


Les révolutions combinées du numérique et de la robotique sont disruptives. Il est illusoire de penser qu’elles puissent être assimilées sans difficulté dans nos schémas d’organisations et nos représentations mentales actuelles.

Il ne suffit pas d'optimiser sans fin les processus et structures pour s'adapter à ce monde nouveau. Ces procédés d’optimisation qui, souvent génèrent eux-mêmes des coûts, ont un grave défaut : ils ancrent une culture de la continuité dans les organisations par l’optimisation de ce qui existe.

Face à cette révolution disruptive, il est essentiel d’oser des évolutions de rupture pour créer ou capter des parts de marchés et pour cela rompre avec l’amélioration continue qui est d’abord une continuité d’actions et de pensées. Evidemment cette rupture n’est ni systématique ni générale, elle doit être utilisée à bon escient.

Dans un environnement très changeant et profondément imprévisibles, les risques deviennent cumulatifs au fur et à mesure des réactions unilatérales. Nicholas Taleb[I] a montré que dans ces conditions, il est essentiel de revenir à des stratégies ou des tactiques qui réduisent l’exposition aux risques, en adoptant une position dite Antifragile, qui permet de bénéficier au contraire des effets des situations imprévues.

Une organisation sera dite Antifragile si elle répond aux conditions suivantes :

  1. Une organisation cohérente et innovante : capable d’évoluer, d’intégrer de nouveaux facteurs, de nouvelles tendances, sans porter atteinte à la cohésion globale. C’est le principe de pérennité évolutive.

  2. des sous-systèmes autonomes, diversifiés, en redondance. Ceci afin d’avoir au pire un sous-système qui bénéficie des événements imprévus

  3. Les sous-systèmes devenus obsolètes ou présentant une exposition critique à un risque certain ou engendrant une valeur négative pour d’autres sous-systèmes ou pour le système dans son ensemble doivent disparaître (ou ne pas naître) : c’est le principe de prudence

  4. la volatilité, raisonnable, apporte de l’information et donc de la valeur. C’est le principe de diversité.

Nous allons maintenant présente les principaux écueils à éviter et les pistes permettant de se rapprocher d'une posture Antifragile.

Les clés pour développer une stratégie Antifragile

La myopie de l’homogène : oser la diversité des points de vue


La myopie de l’homogène[II] est une tendance malheureusement dominante car sociologiquement prégnante : Elle se traduit par des erreurs d’interprétations ou le refus d’interpréter des signaux forts, du fait d’un déni individuel et collectif issu d’une homogénéité de point de vue.

Cette homogénéité provient bien évidemment de l’endogamie des recrutements ou de la cooptation dans les sphères dirigeantes pour lesquels les parcours connus et reconnus et l’espace des relations comptent davantage que la pertinence du point de vue. Malheureusement cette endogamie de pensée se diffuse également dans toutes les strates de l’organisation, du fait de la fameuse culture d’entreprise qui conduit bien souvent aux pensées et aux comportements mimétiques.

Cette uniformisation de la pensée et de l’action est encore plus renforcée dans les moments de transformation ou de crise, comme celui impulsé par le numérique. La peur de perdre son emploi, de déplaire, renforce la pulsion naturelle de l’endogamie et le recours rassurant aux modalités maîtrisées.

Au-delà de la culture d’entreprise, toute organisation devrait favoriser l’éclosion de profils et de visions différentes. Cette prédilection pour la différence ne doit ni être absolue, ni généralisée dans une entreprise. J’ai indiqué dans mon article sur la gestion intégrée du risque, les différences d’approche selon la nature des processus et des organisations.[III]


Dans un milieu de plus en plus homogène, le brainstorming et le benchmarking, l’alpha et l’oméga sensés développer la créativité, ne sont que des illusions rassurantes pour poursuivre sur la voie généralement dominante car maîtrisée.

Mal conduits, ou n’intégrant pas cette donnée majeure, les techniques classiques peuvent aboutir à des décisions malheureuses basées sur de fausses évidences.

La routine dynamique : oser l’innovation de rupture


La myopie homogène fausse le regard que l’entreprise peut porter sur les signaux forts de son environnement (interne ou externe) et sur la réalité de ses ressources. Les ressources de l’entreprise sont l’ensemble des moyens (humains, matériels, financier, relationnelles etc.) dont elles disposent pour répondre à ses objectifs ou à ses contraintes.

L’effet de la myopie homogène joue sur l’appréciation des ressources tant sur leur périmètre que sur la qualité. Il est frappant par exemple de constater que spontanément, peu de personnes citeraient la capacité relationnelle comme ressources collectives alors qu’elle est essentielle dans la constitution de compétences, non seulement pour une jeune entreprise (plus encore dans l’économie numérique qui est également une économie du partage et du savoir), mais également pour les entreprises plus établies.

Chaque organisation gère tous les jours, explicitement ou non, des arbitrages entre make itself or buy. Malheureusement beaucoup d’organisations sont victimes d’un second syndrome : la routine dynamique[IV]. La routine dynamique est un processus psychologique et sociologique qui conduit les acteurs à privilégier des voies classiques d’actions, même si celles-ci ne sont pas optimales. Ces voies d’actions sont celles de la continuité évolutive : sont privilégiés les moyens visant à optimiser les processus et organisations en place, quelle que soit l’évolution de l’environnement.

Ce processus d’anti sélection est d’autant plus pernicieux qu’il est 1) dynamique et 2) couvert par un discours antinomique.

  1. la routine est dynamique car elle s’adapte partiellement aux évolutions contextuelles pour, sous couvert de modernité, ne rien fondamentalement modifier des choix initiaux. Cette dynamique routinière est très visible dans les processus d’identification et d’allocation des ressources et des compétences. Les modalités les plus classiques, notamment le recrutement, seront systématiquement privilégiées, dès lors que les processus qui les actionnent sont connus, formalisés et procédurés. Les démarches processus, très en vogue, peuvent ainsi inconsciemment ossifier les modalités d’analyse et de réponses aux stimuli internes ou externes. Ces modalités sont renforcées par le poids des organisations internes qui tendent systématiquement à privatiser ou rendre spécifique une ressource qui pouvait être générique au départ. Cette routine conduit à une sous-utilisation des réseaux informels internes à l’organisation ou qui la lient à son environnement et également à la non capitalisation du savoir-faire organisationnel.

  2. Le discours institutionnel dans l’entreprise vante systématiquement l’optimisation, la qualité ou la performance, quand ce n’est pas également le travail collaboratif ou en projet. Toutefois, dans la réalité, ce sont bien souvent les mêmes organisations ou processus qui sont privilégiés dans les choix d’investissements ou de répartition des ressources internes à l’organisation, sans lien direct avec la performance globale.

Une organisation devrait se penser en rupture de tendance et d’innovation, pour peser sur le marché et moins le subir.

Cette rupture peut se faire y compris avec les compétences et ressources disponibles à condition de prendre en compte la routine dynamique pour la neutraliser lorsque cela est nécessaire.

L’intégration partielle et la continuité évolutive : oser la vision intégrale

Quel que soit leur degré de proximité avec la révolution numérique, la plupart des entreprises ont engagé un processus d’évolution, souvent appelé d’optimisation ou de transformation. Pourtant, ce processus, du fait des deux biais mentionnés précédemment, conduit à privilégier une continuité évolutive et non des innovations de rupture.

Cette continuité évolutive peut être également renforcée par une coordination sous optimale (voir pas de coordination du tout) des moyens de transformations.

Par exemple, l’effort peut être mis essentiellement sur le système d’information ou les moyens de communication, mais sans évolution coordonnées des profils des recrutements et des organisations. Le schéma de réorganisation des autres fonctions supports pouvant être, par exemple, sans rapport direct avec celui des SI. Cette intégration partielle tient, comme je l’avais mentionné dans mon article sur la gestion des projets, pour partie à la psychologie et au jeu d’acteurs propres aux organisations.[V]


Les moyennes et grandes organisations doivent adopter une vision intégrée du changement et des risques et pour cela maîtriser les interactions internes à l’organisation.

En conclusion : une posture nouvelle pour un accompagnement rénové des entreprises

Les entreprises de conseil connaissent les mêmes travers que ceux identifiés dans cet article : les processus et démarches certifiés garantissent certes une capacité d’innovation continue mais contraignent les analyses de ruptures.

Les trois grands principes identifiés dans cet article sont les éléments structurants qui permettront un vrai accompagnement pour des entreprises ou des organisations devant faire face non pas à une évolution continue de contexte mais à une ou des ruptures de fondamentaux.

[I] Nicholas Taleb : Antifragile, les bienfaits du désordre, Les belles lettres

[[Ii] Collective Delusions in Organizations and Markets, Rolan Bénadou, Review of Economic Studies

[Iii] http://philippeleroymondr.wix.com/letempsdelanalyse#!La-gestion-intégrée-du-risque/c21xo/569f76370cf23e1f256d862b

[Iiii] Stratégie de rupture basée sur des innovations radicales, Bertrand Moingeon et Emmanuel Métais, Groupe HEC et Groupe EDHEC. J’ai ici modifié le sens utilisé dans l’article pour l’expression routine dynamique.

[V] http://philippeleroymondr.wix.com/letempsdelanalyse#!Estce-ainsi-que-les-projets-meurent-/c21xo/5663523f0cf25333686067dc


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